Le tennis, c’est de la balle

Le tennis, c’est de la balle

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S’il y a bien un domaine où il ne fait aucun doute que les femmes ne sont (toujours) pas super bien perçues, c’est bien le sport. L’argument clef ? elles ne seraient pas assez performantes. Evidemment, nous pourrions organiser un tour d’horizon assez large…mais faisons aujourd’hui focus sur le tennis.
Football, je te garde au chaud pour plus tard.

Sous les jupes des filles

Dernièrement, ca ne t’ aura pas échappé, Serena Williams a eu droit à un florilège d’avis hautement philosophiques sur l’étoffe qu’elle a choisi de porter lors de son récent tournoi. Il s’agissait d’une combinaison noire.
LE détail primordial.

Exemple :

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[sur lemonde.fr]

Quid de ses performances ? de son talent ?
Oui Roland, les tenues de tennis ont changé au cours des siècles : évolution (ou pas), caprices de mode, coups de com’, raisons médicales, il existe autant d’alibis que de joueur.ses.
Certains ont déjà exhibé des shorts ridicules lors des rencontres, mais c’est pas grave : ce sont des hommes hétéros normés (et blancs de surcroit). D’ailleurs c’est simple , ils osent tout et c’est à ça qu’on les reconnaît.

Le sponsoring est ton seul boss baby.

En 2010, Vénus Williams avait réussi un coup de buzz sympathique. Mais là encore, il était de bon goût de se concentrer avant tout sur sa jupe nuisette que sur son jeu.

Ne nous voilons pas la face, un court de tennis c’est aussi (beaucoup) une mise en scène bien rodée. Les conseillers en communication savent y faire.
Curieusement, les femmes font juste plus mise en pâture que leurs comparses masculins. On n’y peut rien, c’est biologique.

Puisque l’on parle chiffon, savais-tu que c’est durant les années 60 que la mini-jupe s’impose comme un modèle ?
Avant cela, l’audace s’arrêtait à la mise à nu des bras. C’était le commencement d’un débat crucial et on le doit à la révolutionnaire Suzanne Lenglen. Pas froid aux yeux, elle montre aussi ses bas et se débarrasse du barbant chapeau qui était de mise à l’époque.

Dés la fin de la seconde guerre mondiale, Ted Tinling s’empare du phénomène. Grâce à lui, la joueuse de tennis s’émancipe vraiment extérieurement (ironie inside)…et se coltine la tenue actuelle – assez chiante à porter, il faut l’admettre.
Ca partait certainement d’un bon sentiment, mais est-ce que le fantasme ne se serait pas un peu lâché pour le coup ?
De super long, tu passes à méga court. On pouvait pas juste demander un short tout ce qu’il y a de plus normal pour tout le monde ?

Si Serena décide elle-même du confort dont elle veut profiter, on ne peut que la comprendre.

Mais oui, avouez-le honnêtement messieurs, ce qui vous gêne : ce n’est pas l’habit, c’est juste qui il y a dedans…et c’est ce que subissent 100 % des femmes au quotidien.

La FFT (Fédération Française de Tennis) aussi sait communiquer

En fait, non.
Son site utilise encore une orthographe non inclusive…et même Googoo te donne les mots clefs sans broncher :

fft licenciees

Une joueuse c’est un peu comme un mythe : tu en entends parler, mais tu ne la vois pas tant que ça au quotidien.

Comme Youtube est l’endroit idéal pour avoir accès à des conseils techniques, il peut prendre l’envie de taper « cours tennis » par exemple. Le hic c’est quand tu essayes aussi « cours tennis femme ». Non, tu ne voies pas flou, il y a bien que des mecs.
Ou alors tu auras surtout une playlist du style « les tenues excitantes des joueuses », « les moments gênants ou hilarants des joueuses », c’est à peine caricaturé.

Alors, que donnent FFT + Youtube du coup ?
Bein çà, posté il y a 3 ans : « J’peux pas j’ai tennis – La femme de ses rêves ».
Comment ?

Doit-on y voir une apologie au harcèlement de rue ?
A son image, les commentaires sous la vidéo laissent sceptique…

Une bataille qui n’en finit pas

En 2017 est sorti un film offrant une immersion et une approche intéressante au sujet du tennis féminin : « Battle of the sexes ».
Le contexte se passe aux Etats-Unis dans les années 70 et met en scène une Billie Jean King « soumise » à la pression multi facettes.
Subissant le machisme ambiant, on la voit conserver une personnalité affirmée et inspirante.

Dés le début, le ton est donné. L’héroïne découvre lors d’un communiqué de presse que les joueurs auront droit à des primes huit fois plus élevées que les joueuses.
On lui explique avec tout ce qu’il y a de plus paternaliste que ces derniers sont plus captivants à regarder malgré le même nombre de billets vendu lors des matches.

« Elle sera bientôt payée comme un homme si ça continue ! »

« Les filles de nos jours, égalité ceci, égalité cela…elles brûlent leurs soutiens-gorge, nom d’un chien ! »

Déterminée à organiser elle-même les rencontres dames, Billie tombe également amoureuse de Marilyn. Un vent LGBT commence à murmurer…

A travers le film se faufilent le quinquagénaire Bobby Riggs (ancien numéro un) prêt à toutes les provocations pour faire son come back, une Margaret Court instrumentalisée avant tout par son envie d’être Calife à la place du Calife, et différents protagonistes dont le sexisme décomplexé est savoureusement mis en évidence.

En définitive, les courts de tennis sont l’allégorie parfaite de la vie : tu dois argumenter pour prouver (!) la légitimité naturelle des femmes en ce vaste monde. Ca par contre c’est long !

– « Dis, tu me le files ton 06 ?
– J’peux pas, j’ai tennis. »